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taient plus sonores. Toute la masse mobile du Terek, foncée et rapide, s’écartait très distinctement des bords immobiles. Le fleuve commençait à baisser et, de place en place, sur les rives et autour des bancs on voyait le sable mouillé. Juste en face du cordon, sur la rive opposée, tout était désert, seuls des roseaux bas, innombrables, étaient disséminés jusqu’aux montagnes mêmes. Un peu en côté, sur le bord bas, s’apercevaient les maisons de terre glaise, les toits plats et les cheminées en entonnoir de l’aoul de Tchetchenzes. Les yeux perçants du Cosaque qui se tenait sur le point d’observation suivaient dans la fumée du soir de l’aoul pacifique les figures remuantes des femmes Tchetchenzes vêtues de bleu et de rouge, qu’on apercevait de loin.

Malgré que les Cosaques attendissent à chaque moment le passage et l’attaque des Abreks du côté des Tatars, surtout au mois de mai, quand la forêt qui borde le Terek est si épaisse qu’il est difficile de la traverser à pied, et le fleuve si bas que, par endroits, on pourrait le traverser à gué ; et bien que deux jours avant fût accouru[1] un Cosaque porteur d’un message du chef du régiment, message dans lequel il était écrit que d’après les renseignements fournis par les espions, un groupe de huit hommes se disposait à traver-

  1. Accourir, en le langage des Cosaques, signifie venir à cheval (Note de l’Auteur).