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à le marier, je mourrai tranquille — dit la mère de Loukachka.

— Eh quoi, il ne manque pas de filles dans la stanitza ! — répondit la femme rusée du khorounjï, en rajustant soigneusement, de ses doigts crevassés, le couvercle de la boîte d’allumettes.

— Oh, il y en a beaucoup, il y en a beaucoup ! — fit en hochant la tête la mère de Loukachka. — Mais ta fille Marianka, voilà une femme qu’il faut chercher, parmi des tas.

La femme du khorounjï connaissait l’intention de la mère de Loukachka, et bien que celui-ci parût un bon Cosaque, elle se dérobait à cette conversation : 1° parce qu’elle était la femme du khorounjï et très riche, et que Loukachka était l’orphelin d’un simple Cosaque ; 2° parce qu’elle ne voulait pas si vite se séparer de sa fille, et surtout parce que les convenances le voulaient ainsi.

— Bah ! quand Marianka vieillira, ce sera une fille comme les autres — prononça-t-elle d’un air réservé et modeste.

— J’enverrai le marieur, je l’enverrai aussitôt après les vendanges, nous viendrons saluer ta grâce et aussi Ilia Vassilievitch, — dit la mère de Loukachka.

— Pourquoi Ilia ? — demanda fièrement la femme du khorounjï. — C’est à moi qu’il faut parler ; le temps viendra pour tout.

Au visage sévère de la femme du khorounjï, la