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intelligent. Il connaissait bien le service, était exact et zélé, il avait toujours de l’argent, sa voiture, son cuisinier, et savait, avec naturel, feindre la fierté.

— De quoi causez-vous, Nikolaï Fédorovitch ? — fit-il en entrant.

— Mais, voilà, des agréments du service au Caucase.

À ce moment, Kirsanov me remarqua, moi, un junker, et pour me faire sentir son importance, comme s’il n’écoutait pas la réponse de Bolkhov, en regardant le tambour, il demanda :

— Quoi, êtes-vous fatigué Nikolaï Fédorovitch ?

— Non, nous… — voulut commencer Bolkhov.

Mais la dignité du chef de bataillon exigeait sans doute d’interrompre de nouveau et de poser une nouvelle question :

— Était-ce une belle affaire, celle d’aujourd’hui ?

L’aide de camp du bataillon était un tout jeune lieutenant, qui peu avant était encore junker, un garçon modeste et doux, au visage timide, naïf, agréable. Je l’avais déjà rencontré chez Bolkhov, le jeune homme venait souvent chez lui, saluait, s’installait dans un coin, et durant des heures consécutives, se taisait. Il faisait des cigarettes, les fumait, puis se levait, saluait et se retirait, c’était le type des fils de pauvres gentilshommes russes qui ont choisi la carrière militaire comme la seule pos-