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me sortait pas de la tête. Toute la simple histoire de sa vie de soldat se présentait à mon imagination avec importunité. Ses derniers moments étaient clairs et purs comme toute sa vie. Il avait vécu trop honnêtement et trop simplement pour que sa foi naïve en une vie future céleste pût s’ébranler au moment décisif.

— Votre Seigneurie, — me dit Nikolaïev qui s’approchait. — Venez chez le capitaine. Il vous invite à prendre du thé.

En suivant Nikolaïev et avec difficulté passant entre les faisceaux et les feux, j’allai chez Bolkhov en songeant avec plaisir au verre de thé chaud et à la gaie conversation qui dissiperait mes idées sombres.

— Quoi ! l’as-tu trouvé ? — s’entendit de la hutte faite de maïs et où brillait une lumière, la voix de Bolkhov.

— Je l’ai amené, Votre Seigneurie, — répondit d’une voix basse Nikolaïev.

Bolkhov était assis dans la hutte sur la bourka sèche, déboutonné et sans bonnet. Près de lui bouillait le samovar et des victuailles étaient posées sur le tambour.

La baïonnette supportant la chandelle était fichée en terre.

— Comment trouvez-vous ? — fit-il avec fierté, en regardant son installation intime.

En effet, dans la hutte on était si bien, qu’au thé