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comme un étranger et comme un oppresseur, le soldat. Pour les Cosaques, le vrai moujik russe est un être absolument étranger, sauvage et méprisable, ils le jugent d’après les marchands ambulants et les émigrants petits russiens que les Cosaques appellent avec mépris chapoval. L’élégance du vêtement réside pour eux en l’imitation du Tcherkesse. Chez les montagnards se trouvent les meilleures armes, on achète et on vole chez eux les meilleurs chevaux. Un brave Cosaque se vante de connaître la langue tatare, et quand il est bien disposé, il la parle même avec les siens. Malgré cela, cette petite population chrétienne, figée sur un coin de terre entouré de peuplades et de soldats, mi-sauvage, mahométane, se considère comme très éclairée, ne reconnaît comme hommes que les Cosaques et regarde avec mépris quiconque ne l’est pas. Le Cosaque passe la plus grande partie de son temps au cordon, aux expéditions, à la chasse ou à la pêche. Il ne travaille presque jamais à la maison. Son séjour à la stanitza est une exception et c’est qu’alors il fait la noce. Tous les Cosaques ont du vin à eux et l’ivrognerie n’est pas tant le penchant commun à tous qu’une coutume dont l’abstinence serait considérée comme une apostasie. Le Cosaque regarde la femme comme un moyen de bien-être ; il ne permet qu’à la jeune fille de s’amuser et de ne rien faire, mais il force la femme mariée à travailler pour lui, de la jeunesse à l’extrême vieil-