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ciel lointain. Et quand il se rendit compte de l’immense distance entre lui, les montagnes et le ciel, de la grandeur des montagnes et quand il sentit tout l’infini de cette beauté, il fut effrayé, croyant à une vision, à un rêve. Il se secoua pour s’éveiller. Les montagnes étaient toujours les mêmes.

— Qu’est-ce ? qu’est-ce donc ? — demanda-t-il au postillon.

— Les montagnes, — répondit avec indifférence le Nogaï. — Et moi aussi, je les regarde depuis longtemps — fit Vanucha ; — Comme c’est beau ! Chez nous on ne le croira pas.

Au mouvement rapide des troïkas sur la route, on eût dit que les montagnes couraient à l’horizon avec leurs sommets roses brillants sous le soleil levant. Au commencement, les montagnes étonnèrent seulement Olénine, ensuite il éprouva du plaisir, mais regardant de plus en plus cette chaîne de montagnes de neige, qui paraissent et disparaissent non pas derrière les autres montagnes sombres, mais tout droit de la steppe, peu à peu il commença à en pénétrer la beauté et il finit par sentir les montagnes. À partir de ce moment, tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il pensait, tout ce qu’il sentait reçut pour lui un nouveau caractère, le caractère majestueux et sévère des montagnes. Tous les souvenirs de Moscou, la honte et le regret, tous les rêves vulgaires sur le Caucase, tout se dispersa