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un Tatar est arrivé de la part du général avec l’ordre que le bataillon parte et prenne avec soi du biscuit pour deux jours. Et où ? pourquoi ? sera-ce pour longtemps ? Cela, mon cher, on ne le demande pas. On a ordonné d’aller, cela suffit.

— Cependant, si l’on ne prend du biscuit que pour deux jours, on ne tiendra pas les troupes plus longtemps.

— Oh ! ça ne signifie encore rien…

— Comment donc ? — demandai-je avec étonnement.

— Tenez, nous sommes allés à Darghui ; nous avions pris du biscuit pour une semaine, et nous sommes restés là-bas presqu’un mois.

— Et moi, pourrai-je aller avec vous ? — demandai-je après un court silence.

— Pourvoir, vous pouvez ; mais je vous conseillerais plutôt de n’y pas aller. À quoi bon vous risquer…

— Non, permettez-moi de ne pas suivre votre conseil. Je n’ai vécu ici un mois entier que pour attendre l’occasion de voir une affaire et vous voulez que je la manque.

— Comme il vous plaira. Allez ; mais je crois, vraiment, que vous feriez mieux de rester. Vous nous attendriez ici, vous iriez à la chasse et nous, avec l’aide de Dieu nous ferions la campagne. Et ce serait bien ! — fit-il d’un ton si convaincu, qu’au premier moment, en effet, il me