Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle lâcheté ils regardent les autres. Je leur ai montré au contraire que je n’avais nulle envie de frayer avec eux. Cependant, je crois que le gérant Andréï serait très frappé de m’entendre tutoyer un personnage tel que Sachka B… colonel et aide de camp de l’empereur… Oui, personne n’a bu plus que moi à cette soirée. J’ai appris aux tziganes une nouvelle chanson, et tous écoutaient. Bien que j’aie fait beaucoup de bêtises, je suis un jeune homme très bon », pensait-il.

Le matin trouva Olénine au troisième relais. Il but du thé ; lui-même, avec Vanucha, transporta les malles et les paquets, s’installa au milieu, grave, droit, majestueux, sachant où se trouvait chaque objet : où était l’argent et combien il y en avait, où le passeport, l’autorisation d’employer les chevaux de poste, la quittance du paiement pour la chaussée, et tout lui semblait arrangé avec tant de méthode qu’il redevint gai, et que la route lointaine se présenta à lui comme une longue promenade.

Pendant la matinée et une partie de la journée, il resta tout plongé dans des calculs arithmétiques : combien ont-ils passé de verstes[1] ? combien en reste-t-il jusqu’au prochain relais ? jusqu’à la première ville ? jusqu’au dîner ? jusqu’au thé ? jusqu’à Stavropol ? et quelle fraction de la

  1. Une verste vaut 1 kilomètre 007.