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tout le passé était déraisonnable et mesquin, qu’auparavant il ne voulait pas bien vivre, mais que maintenant, à dater de son départ de Moscou, commençait une nouvelle vie dans laquelle ces fautes ne seraient plus, vie qui ne donnerait pas de regret, mais lui assurerait le bonheur.

Comme il arrive toujours dans un long voyage, pendant les deux ou trois premiers relais, l’imagination reste à l’endroit qu’on vient de quitter, et ensuite, tout à coup, avec la première matinée qui se lève au cours de la route, elle se transporte au but du voyage et déjà construit les châteaux de l’avenir. C’est ce qui advint à Olénine.

Une fois hors de la ville, en regardant les champs couverts de neige, il se sentit heureux d’être seul au milieu de ces champs. Il s’enveloppa dans sa pelisse, se serra au fond du traîneau, se calma et s’endormit. L’adieu de ses amis l’avait touché et il commença à se rappeler le dernier hiver passé à Moscou, et les images de ce passé, interrompues d’idées et de reproches vagues, malgré lui, naissaient dans son imagination.

Il se rappela cet ami qui l’accompagnait et ses relations envers la jeune fille dont ils avaient parlé. Elle était riche. « Comment a-t-il pu l’aimer puisqu’elle m’aimait ?» — pensa-t-il. Et de vilains soupçons lui vinrent en tête. « Quand on réfléchit, on découvre beaucoup de mauvais dans les hommes. Et pourquoi n’ai-je pas aimé réellement ?» se deman-