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demandaient des raisins aux femmes cosaques, et les filles, en grimpant sur le chariot en marche en prenaient une poignée et les jetaient dans les pans des tuniques des soldats. Dans quelques cours, on pressait déjà le raisin. L’odeur du jus remplissait l’air. Les cuves rouge-vermeil s’apercevaient sous les auvents, et les ouvriers nogaï aux jambes nues et aux mollets peints traversaient les cours. Les porcs en grognant dévoraient les grappes et se roulaient sur le raisin. — Les toits plats des cuisines étaient tout couverts de grappes noires, superbes, qui séchaient au soleil. Les corbeaux et les pies picotaient les grains, se tenaient sur les toits et voltigeaient çà et là.

Les fruits des travaux de l’année étaient ramassés avec gaîté et ils étaient cette année extraordinairement abondants et bons.

Dans les jardins, ombreux, verts, parmi un océan de raisins, de tous côtés s’entendaient le rire, les chansons, la gaîté, les voix des femmes et l’on apercevait leurs robes très claires.

Juste à midi, Marianka était assise dans son jardin à l’ombre d’un pêcher et tirait d’une charrette dételée, le dîner de la famille. Vis-à-vis d’elle, sur une couverture étendue, était assis le khorounjï qui revenu de l’école se lavait les mains avec l’eau d’une petite cruche. Son frère, un gamin, qui accourait de l’étang, en s’essuyant avec sa manche, tout essoufflé, regardait avec inquiétude