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tantôt des rêves qui erraient dans sa tête, tantôt un mélange de tout cela. Il se ressaisissait et se demandait à quoi il pensait, et il se trouvait ou bien un Cosaque qui travaille dans le jardin avec sa femme, ou un Abrek dans les montagnes, ou comme un sanglier qui s’enfuit de soi-même. Et il écoute toujours, regarde fixement et attend le faisan, le sanglier ou le cerf.

Le soir chez lui, vient fatalement l’oncle Erochka. Vanucha apporte une bouteille de vin et ils causent doucement, boivent, et contents tous les deux se séparent pour aller dormir. Le lendemain de nouveau la chasse, la fatigue saine, de nouveau ils boivent en causant, et de nouveau ils sont heureux. Parfois, pendant les fêtes ou les jours de repos, il reste toute la journée à la maison, alors son occupation principale est Marianka, dont il suit attentivement, de la fenêtre ou du perron, et sans le remarquer lui-même, tous les mouvements. Il regardait Marianka, et il l’aimait (à ce qu’il lui semblait) comme il aimait la beauté des montagnes et du ciel, et il ne pensait pas à avoir avec elle aucune relation. Il lui semblait qu’entre lui et elle ne pouvaient exister ni les relations qui étaient possibles entre elle et le Cosaque Loukachka, ni encore moins celles qui sont possibles entre un officier riche et les filles cosaques. Il lui semblait que s’il essayait de faire ce que faisaient ses camarades, il changerait sa parfaite jouissance contemplative en une foule de souf-