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tions pour les expéditions, de même, dans la stanitza, il boit régulièrement le vin avec son propriétaire, régale les filles avec des bonbons et du miel, fait la cour aux femmes cosaques dont il s’éprend et qu’il épouse quelquefois.

Olénine vivait toujours à sa manière ; il avait un dégoût instinctif pour les voies tracées, et même ici, il ne suivait pas la ligne battue de la vie des officiers du Caucase.

Sans s’y appliquer, il s’éveillait à l’aube. Il prenait le thé, admirait de son perron étroit, les montagnes, le matin et Marianka, mettait un zipoune déchiré en peau de buffle, des porchni, son poignard à sa ceinture, prenait son fusil, une petite gibecière avec des aliments et du tabac, appelait son chien, et à six heures du matin, partait dans la forêt, derrière la stanitza. À sept heures du soir, il revenait fatigué, affamé, avec cinq ou six faisans à sa ceinture, parfois avec un gros gibier ; il avait sa gibecière intacte renfermant la nourriture et les cigarettes. Si les idées dans sa tête sommeillaient comme les cigarettes dans le sac, on pouvait en conclure que pendant ces quatorze heures, pas une idée n’avait remué en lui ; il venait à la maison moralement frais, fort, et tout à fait heureux. Il ne pouvait dire à quoi il avait pensé tout ce temps.

C’étaient tantôt des idées, tantôt des souvenirs,