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remarquer que c’était moins intéressant pour les autres que pour lui. L’homme n’est jamais aussi égoïste que dans les moments d’enthousiasme. Alors il lui semble qu’il n’y a rien au monde de plus beau et de plus intéressant que lui-même.

— Dmitrï Andreievitch, le postillon ne veut pas attendre ! — dit en entrant un jeune domestique en pelisse, enveloppé d’un cache-nez. — Les chevaux sont ici depuis minuit, et il est maintenant quatre heures.

Dmitrï Andreievitch regarda son domestique Vanucha. À la vue de son cache-nez entortillé autour du cou, de ses bottes fourrées et de son visage endormi, il se crut appelé par une voix de l’autre monde, de ce monde de labeur, de privations, d’activité.

— Et, en effet, adieu ! — dit-il en cherchant encore un crochet non agrafé.

Malgré les conseils de ses amis, d’envoyer un pourboire au postillon, il mit son chapeau et s’arrêta au milieu de la chambre. Ils s’embrassèrent une fois, deux fois, s’arrêtèrent, ensuite s’embrassèrent une troisième fois. Celui qui était en polouchoubok s’approcha de la table, but dans une coupe qui était là, prit la main du jeune homme petit et laid et rougit.

— Non, je dirai quand même… Il faut, et je le peux, être franc avec toi parce que je t’aime… Ainsi tu l’aimes ? Je l’avais toujours pensé… hein ?