Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Bon, — répondit Loukachka. — D’autre part, si Guireï-Khan vient, envoie-le au cordon, parce que, maintenant, de longtemps il n’aura pas de congé. J’ai besoin de lui parler.

Il se préparait à partir.

— Je l’enverrai, Loukachka, je l’enverrai. Eh quoi ! Alors on s’est amusé tout le temps chez Iamka ? — fit la vieille. — C’est pourquoi, pendant la nuit, quand je me suis levée pour aller voir le bétail, j’ai entendu ta voix ; tu chantais.

Loukachka ne répondit pas. Il sortit dans le vestibule, mit la sacoche en bandoulière, fit bouffer son zipoune[1], prit son fusil et s’arrêta sur le seuil.

— Adieu, mère, — prononça-t-il, en tirant la porte derrière lui. — Envoie un fût par Nazarka, je l’ai promis aux camarades ; il passera le prendre.

— Que le Christ te protège, Loukachka ! Que Dieu soit avec toi ! J’enverrai, j’enverrai du nouveau tonneau, — répondit la vieille en s’approchant de la haie. — Écoute ! — ajouta-t-elle en se penchant par-dessus la clôture.

Le Cosaque s’arrêta.

— Tu t’es amusé ici, et Dieu soit loué ! Pourquoi un jeune homme ne s’amuserait-il pas ? C’est bien, quand Dieu envoie le bonheur, c’est bien. Mais là-bas, prends garde, mon fils, pas ça… Et surtout

  1. Caftan court sans collet, que portent les paysans au travail.