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recueilli chez toi un va-nu-pieds et aujourd’hui, c’est lui qui te maltraite. Pourquoi ne le tiens-tu pas ?

ANICIA

Ô ma chère commère, que veux-tu que je fasse avec mon cœur ? Défunt mon mari était bien plus dur, et cependant je le retournais comme je voulais. Aujourd’hui je ne puis plus. Il me suffit de le voir pour que toute ma colère tombe. Devant lui, je ne me sens plus de courage, je suis comme une poule mouillée.

LA COMMÈRE

Eh ! commère, on t’a ensorcelée ! On dit que Matriona s’occupe de jeter des sorts. C’est elle qui l’a fait.

ANICIA

C’est ce que je pense aussi. Souvent je m’en veux. Il me semble que je le déchirerais. Sitôt qu’il apparaît, tout mon courage s’en va !

LA COMMÈRE

Il est évident que tu es ensorcelée. Il ne faut pas grand’chose pour ça. Quand je te regarde, je trouve que tu n’es plus la même.

ANICIA

Mes jambes fléchissent sous moi, et regarde cette bête d’Akoulina. Elle, toujours négligée, échevelée, regarde-la maintenant. Quel changement ! Il l’a bien habillée, elle a engraissé, et malgré sa bêtise, elle s’est mise des idées dans la