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IAKOV

Oui, ça, c’est vrai. Voilà, l’été passé, y’avait chez nous une jeune fille, Nathalie, quelle bonne fille c’était ! et bien elle s’est perdue pour rien, comme celui-là… (Il montre le vieux cuisinier.)

LA CUISINIÈRE

C’qui s’en perd ici, de notre sexe ! On pourrait en faire une digue. Chacun veut un travail facile, une nourriture sucrée, puis, en un clin d’œil, grâce à cette nourriture sucrée, on tourne mal, et dès qu’on a mal tourné, n’en faut plus, immédiatement on vous met à la porte, et on en prend une plus fraîche à la place. C’est ainsi que la malheureuse Nathalie a fait un faux pas, et aussitôt on l’a mise à la porte. Elle a accouché, elle est tombée malade, et, au printemps dernier, elle est morte à l’hôpital. Et cependant quelle fille c’était !

LE TROISIÈME PAYSAN

Oh ! Seigneur ! Ce sont des gens faibles, faut les prendre en pitié !

LE VIEUX CUISINIER

Ah ! oui ! ils vous prennent en pitié, ces diables-là ! (Il laisse tomber ses jambes du poêle.) Je me suis rôti trente ans auprès du fourneau, et voilà, lorsque je suis devenu inutile : Crève comme un chien ! Oui, ils en ont de la pitié !

LE PREMIER PAYSAN

Oui, ben sûr, c’est une situation connue…