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SATAN

Comment oses-tu te présenter devant moi les mains vides ! Et, par-dessus le marché, tu viens m’empester avec ce sale rogaton ! Ah ça ! te moquerais-tu de moi ? Penses-tu qu’on va te nourrir en enfer pour tes beaux yeux ? Les autres prennent de la peine, eux, ils se démènent. Regarde-les (Il désigne les démons) celui-ci m’a gagné 10.000 âmes ; celui-là 20.000 ; un autre 200.000. Mais toi ! non content d’arriver les mains vides, tu me sors un vieux rogaton et racontes des balivernes ! Tu n’es qu’un bavard et un paresseux. Tes paysans te font la nique, ils te glissent des mains. Attends un peu, mon ami, je vais te faire ouvrir l’œil.

LE DÉMON DES PAYSANS

Ne me tue pas ! Laisse-moi parler… Tous les autres ont une tâche facile avec les seigneurs, les marchands ou les femmes. Rien de plus aisé : pour un bonnet de zibeline, pour un domaine, un seigneur se laisse facilement embobeliner et conduire au bout du monde. La même chose avec un marchand : montre-lui de l’argent et tu peux le mener comme par un licou sans crainte qu’il t’échappe. Quant aux femmes, chacun sait qu’avec des parures et des douceurs on fait d’elles ce que l’on veut. Mais avec les paysans, c’est une autre affaire. Ils travaillent du matin au soir, et même une partie de leurs nuits, et ne manquent jamais d’invoquer Dieu, avant de rien entreprendre. Le moyen d’at-