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LE PAYSAN

Bah ! tant pis… Je ne mourrai pas de faim. On m’a pris mon pain ; eh bien, que celui qui l’a pris le mange à ma santé et grand bien lui fasse !…

le démon crache de dépit.

Ah ! maudit paysan ! Il ne lui restait plus qu’à jurer, et il dit : « Grand bien lui fasse !… » Décidément on ne peut rien en tirer. (Le paysan se couche sur le sol, fait un signe de croix, bâille et s’endort.)

le démon, sortant de derrière le buisson.

Voilà ! et le patron dit toujours : « Tu m’envoies, en enfer, très peu de paysans. Chaque jour, il m’arrive une foule de marchands, de seigneurs, des gens de toutes conditions, mais des paysans, presque pas. » Il est bon, lui ! Je ne puis pas même les approcher, comment m’en ferais-je des amis ? Pouvait-on inventer quelque chose de plus rusé que de voler à celui-ci son dernier morceau de pain ? Eh bien, il n’a pas proféré le moindre juron. Je ne sais plus qu’imaginer. Je vais aller faire mon rapport au patron. (Il disparaît dans le sol.)


RIDEAU