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sais quelque chose. Mais toujours pas comme les femmes du village. Qu’est-ce que c’est qu’une femme du village ? Rien du tout. Y en a, comme vous autres, des millions en Russie et toutes, aveugles comme des taupes ! Vous ne savez rien. Vous savez les sortilèges qui guérissent les vaches, vous savez porter les enfants malades dans les nids de poules, aussi pour les guérir… Ça, oui, vous le savez.

ANIOUTKA

C’est vrai, maman l’a fait.

MITRITCH

Tu vois. Il y en a des millions comme vous autres, des femmes et des filles et toutes, comme des bêtes fauves. Elles meurent comme elles naissent… Elles n’ont rien vu, rien entendu. Le paysan, lui, il a l’occasion d’apprendre, au cabaret, en prison quelquefois, ou bien au service, comme moi. Mais la femme, quoi ? Non seulement elle ne sait pas bien ce que c’est que Dieu, elle ne sait pas même ce que c’est que Vendredi… Vendredi… Vendredi… tout le monde dit Vendredi… Demande-lui ce que c’est que Vendredi ? Elle ne saura pas répondre. C’est comme une portée de petits chiens aveugles, qui se traînent et se fourrent le nez dans le fumier. Elles ne savent que leurs chansons stupides… oh ! oh ! oh ! o, o, o. Eh bien, quoi, o, o, o ? Elles ne le savent pas elles-mêmes.