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l’entrée dans l’asile de nuit gratuit et de là dans la prison rêvée, pour être expédiés dans leur pays natal. Ici je les voyais parmi une majorité d’ouvriers, où, par tel ou tel moyen, ils avaient gagné trois ou cinq kopeks pour passer la nuit ou parfois quelques roubles pour manger et boire.

Si étrange que ce soit, ici, non seulement je n’éprouvais rien de semblable au sentiment que j’avais éprouvé dans la maison de Liapine ; au contraire, à une première visite, les étudiants et moi, nous avions une impression presque agréable. Même, à vrai dire, le sentiment suscité par le contact avec ces gens, bien qu’étrange à exprimer, était tout simplement très agréable.

La première impression était que la majorité des habitants sont tous des travailleurs et tous de braves gens. Nous les trouvions pour la plupart au travail : les blanchisseuses sur leurs baquets, les menuisiers devant leur établi, les cordonniers sur leur chaise. Les logements étroits étaient pleins de gens, le travail y était énergique, joyeux. On y sentait l’odeur de sueur ; chez les cordonniers, l’odeur du cuir, chez le menuisier, des copeaux ; souvent on entendait une chanson, et l’on voyait des bras musclés, les manches retroussées, qui exécutaient avec adresse et rapidité leur mouvement habituel.

Partout on nous recevait gaiement, amicalement ; presque partout notre immixtion dans la vie