Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

louait à des locataires et à des passants. Dans sa petite chambre, un étudiant recenseur, avec les bulletins, était assis sous l’icône, et, comme un juge d’instruction, il interrogeait un homme en chemise et en gilet. C’était l’ami de la maîtresse du logis. Il répondait pour elle aux questions. La maîtresse du logis était aussi présente, c’était une femme âgée ; il y avait en outre deux curieux, des locataires. Quand j’entrai, la chambre était pleine. Je me fis un chemin vers la table. Je saluai l’étudiant et il continua son interrogatoire. Moi, poursuivant mon but, je me mis à examiner et à interroger les habitants de ce logis.

Le résultat fut qu’en ce premier logement, je ne trouvai pas une seule personne sur qui pût s’exercer ma bienfaisance. La maîtresse du logis, malgré la misère, l’étroitesse et la saleté de son logement, qui me frappaient après le palais que j’habitais, était relativement à l’aise en comparaison même des pauvres de la ville ; et auprès de la misère des campagnes que je connaissais bien, elle vivait dans le luxe. Elle avait un lit de plume, des couvertures, un samovar, une pelisse, une armoire et de la vaisselle. Son ami avait le même air d’aisance. Il avait une montre et la chaîne. Ses locataires étaient plus pauvres, mais pas un seul n’exigeait un secours immédiat. On demandait des secours : une femme abandonnée par son mari avec son enfant et qui lavait du linge dans un baquet ; une vieille veuve,