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échangeraient sans l’argent, — mais par force, parce qu’on exige d’eux de l’argent comme signe représentatif du travail dont on leur impose l’obligation.

Quand le roi d’Égypte exigeait le travail de ses esclaves, les eslaves lui donnaient tout : le travail passé et présent, mais ne pouvaient donner le travail futur. Grâce à la circulation de la monnaie et au crédit, il est devenu possible d’engager pour de l’argent un travail futur. L’argent, avec l’existence de la violence, ne représente que la possibilité de la nouvelle forme de l’esclavage impersonnel qui remplace l’esclavage personnel. Le propriétaire d’esclaves a le droit de faire travailler Pierre, Jean, Isidore, et le propriétaire d’argent, là où l’on exige de l’argent de tous, a le droit de soumettre au travail tous les gens anonymes qui ont besoin d’argent.

L’argent supprime tout le côté pénible de l’esclavage exercé par le propriétaire qui use de son droit sur Jean, mais il supprime aussi tous les rapports humains qui adoucissaient le fardeau de l’esclavage personnel entre le propriétaire et son esclave.

Je ne recherche pas si cette situation est ou n’est pas nécessaire pour le développement de l’humanité, pour le progrès, etc. C’est un point que je ne discute pas. Je tâche seulement de m’expliquer la conception de l’argent et l’erreur géné-