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d’exister, quand — ce qui est reconnu par tous — l’argent amassé comme produit direct du travail n’est qu’une minime partie de l’argent obtenu par des violences de toutes sortes, prétendre que dans ces conditions l’argent représente le travail de celui qui le possède, c’est une erreur évidente ou un mensonge conscient. On peut dire qu’il en devrait être ainsi, on peut dire qu’il serait désirable qu’il en fût ainsi, mais on ne peut dire qu’il en est réellement ainsi.

L’argent représente le travail. Oui, l’argent représente le travail, mais de qui ? Dans notre société, l’argent n’est que rarement le signe représentatif du travail de celui qui le possède, mais presque toujours il représente le travail d’autrui, le travail passé ou futur des hommes. Il représente, en réalité, l’obligation du travail imposé à autrui par la force.

L’argent, dans son acception la plus exacte, et en même temps la plus simple, est un signe conventionnel qui donne le droit ou plutôt la possibilité de profiter du travail des autres. Dans son sens idéal, l’argent ne devrait donner ce droit ou la possibilité de l’exercer qu’à la condition de représenter réellement le travail, et l’argent pourrait remplir ce rôle dans une société où il n’existerait pas de violence. Mais dès que dans la société il y a place pour la violence, c’est-à-dire pour la possibilité de profiter du travail d’autrui sans dépen-