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ont reçu l’argent ; les serfs ont tissé pour leur maître, leur maître a vendu la toile, reçu l’argent, et l’argent, dans l’un et l’autre cas, est le même, mais l’un est le produit du travail, l’autre le produit de la violence. De même, si mon père ou le père d’un autre me donne de l’argent, en me le donnant ils savent, comme moi et comme tous les autres, que personne ne peut me l’ôter, que si quelqu’un s’en avisait, ou même ne me le rendait pas dans le délai fixé, le pouvoir interviendrait pour moi et par force me ferait restituer cet argent ; il est donc évident encore une fois que cet argent ne peut jamais être appelé le signe représentatif du travail par comparaison avec l’argent reçu par Siméon pour la coupe du dois.

Ainsi, dans toute société où il y a, si peu que ce soit, possession de l’argent d’autrui, ou même la moindre défense de posséder de l’argent d’autrui, l’argent ne peut plus être appelé le représentant du travail, car dans une société ainsi organisée, il est tantôt le signe représentatif du travail, tantôt celui de la violence.

Il en serait ainsi, là où se commettrait une seule violation d’un seul homme à l’égard d’un autre, au sein d’une société dont les rapports seraient tout à fait libres. Mais maintenant qu’il s’est succédé tant de siècles de violences les plus diverses, qui ont déterminé l’accumulation de l’argent, ces violences, en changeant seulement de formes, ne cessent pas