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dions avec mépris cette moitié des biens et la récompense quatre fois plus grande. Et notre sentiment a raison. Zachée, selon la raison, nous paraît avoir fait une œuvre admirable. Mais c’est le sentiment qui est dans le vrai. Il n’a pas encore commencé à faire le bien. Il commence seulement à se purifier un peu du mal. Christ lui a dit seulement ceci : « C’est d’aujourd’hui qu’est venu le salut pour cette maison. »

Qu’arriverait-il si les Zachées de Moscou faisaient la même chose que lui ? On ramasserait plusieurs milliards. — Eh bien ! qu’arriverait-il ? Rien. Il y aurait encore plus de péchés si l’on pensait distribuer cet argent aux pauvres. Il ne faut pas d’argent. Il faut le sacrifice. Il faut des hommes qui veulent faire le bien en rendant non le péché d’autrui, — l’argent, — mais leur propre travail, eux-mêmes, leur vie. Où sont donc ces gens ? Voilà, ils parcourent Moscou. Ce sont ces mêmes recenseurs et étudiants. Je les ai vus remplir les bulletins. Ils écrivent dans les hospices de nuit, sur les planches d’un malade : « De quoi souffrez-vous ? » « De vérole ». Et l’étudiant ne fronce pas les sourcils, il inscrit et fait cela pour une science imaginaire quelconque ; que ferait-il donc, s’il le faisait pour son bien personnel indiscutable et pour le bien de tous les hommes !

Quand les enfants en bonne humeur veulent rire, ils ne savent qu’inventer pour provoquer le rire ;