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saire d’être en état de s’asseoir sur le lit d’un déguenillé, de lui causer franchement, pour qu’il sente que son interlocuteur le respecte et l’aime et ne pose pas en s’admirant soi-même ; il faut que ce soit amical, il est nécessaire que l’homme trouve le sens de la vie en dehors de soi. Voici ce qu’il faut pour qu’existe le bien ; et c’est ce qu’il est difficile de trouver.

Quand l’idée d’apporter du secours pendant le recensement m’est venue en tête, j’en ai causé à quelques personnes riches et j’ai vu que les riches étaient contents de se débarrasser d’une façon si convenable de leur argent, de ce péché d’autrui qu’ils ont sur le cœur. « Prenez s’il vous plaît, me disaient-ils, trois cents, cinq cents roubles, mais je ne puis aller moi-même dans ces bouges. » Ce n’est pas l’argent qui manque. Rappelez-vous Zachée, de l’Évangile, le chef des péagers ; rappelez-vous comment, étant de petite taille, il grimpa sur un arbre pour voir Christ, et quand Christ lui ordonna d’aller chez lui, comment, ayant seulement compris que le maître ne loue pas les richesses, il bondit de l’arbre, courut à la maison et donna un festin. Puis, aussitôt que Christ entra, Zachée se mit à déclarer qu’il donnerait aux mendiants la moitié de ses biens, et à celui qu’il a offensé, quatre fois plus ; et souvenez-vous comment nous tous, en lisant l’Évangile, appréciions peu ce Zachée et, malgré nous, regar-