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et travailler pour eux personnellement, et les désigner à ceux qui voudront s’en occuper.

Mais on me demande : « que signifie travailler pour les hommes ? » Je réponds : « faire aux hommes le bien. Ne pas donner d’argent, mais faire aux hommes le bien. » Sous le mot faire le bien, on comprend ordinairement donner de l’argent. Mais selon moi, faire le bien et donner de l’argent non seulement ce n’est pas la même chose mais deux choses tout à fait différentes et, le plus souvent, contradictoires. L’argent, en soi-même, c’est le mal. C’est pourquoi celui qui donne de l’argent donne le mal. Cette erreur que donner de l’argent signifie faire le bien, provient de ce qu’en général, quand un homme fait du bien, il s’affranchit du mal et l’argent en fait partie. C’est pourquoi donner de l’argent n’est que l’indice qu’un homme commence à se débarrasser du mal. Faire le bien signifie faire à quelqu’un ce qui est bon pour lui. Et pour savoir ce qui est bon pour quelqu’un il faut établir entre soi et lui un rapport humain, c’est-à-dire amical. C’est pourquoi, pour faire le bien, ce n’est pas de l’argent qui est nécessaire, mais avant tout la capacité de renoncer, au moins provisoirement, au convenu de notre vie. Il est nécessaire de ne pas avoir peur de salir ses bottes et ses habits. Ne pas avoir peur des punaises et des poux ; ne pas avoir peur du typhus, de la diphtérie, de la vérole. Il est néces-