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ment et précisément de façon qu’il n’ait pas le caractère cruel de l’examen d’un malade désespéré, mais celui de la cure et de la guérison.

C’est une occasion unique : quatre-vingts personnes énergiques, instruites, ayant sous la main deux mille jeunes hommes pareils, parcourront tout Moscou et ne passeront pas un seul homme sans entrer en rapport personnel avec lui. Toutes les plaies de la société, plaies de la misère, de la débauche, de l’ignorance seront découvertes. Eh bien, peut-on rester indifférent à cela ? Les recenseurs parcourront Moscou, inscriront avec indifférence les hommes enragés par excès de forces, les satisfaits, les hommes calmes, ceux qui périssent et ont déjà péri, et le rideau tombera. Les recenseurs, nos frères, nos fils, nos jeunes gens verront tout cela. Ils diront : « Oui, notre vie est très vilaine et incurable » ; et, avec cette conscience, ils continueront de vivre avec nous, en attendant la réparation d’un mal par une force extérieure quelconque. Et ceux qui sont déchus continueront de mourir dans leur déchéance et ceux qui sont en voie de périr continueront à périr. Non. Il vaut mieux comprendre que la science a son affaire, et nous, à cause du recensement, la nôtre, et nous ne laisserons pas retomber le rideau qui se soulevait, mais nous profiterons de l’ouverture pour écarter le plus grand mal de la désunion entre nous et les miséreux, pour rétablir l’union et