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les recenseurs, qui voyons ces hommes et n’avons aucun entraînement scientifique, nous ne pouvons ne pas nous conduire humainement envers eux. La science fait son affaire, et pour ce but, dans l’avenir lointain, elle fait quelque chose d’utile et nécessaire pour nous. Pour les hommes de la science il est possible d’avouer tranquillement qu’en 1882, il y a tant de mendiants, tant de prostituées, tant d’enfants abandonnés. Elle peut le dire tranquillement et avec fierté parce qu’elle sait que l’affirmation de ce fait amène à expliquer les lois de la sociologie, et l’explication mène à cela que la société s’organise mieux.

Mais qu’est-ce donc si nous, qui ne sommes pas des hommes de la science, disons : vous périrez dans la débauche, vous mourrez de faim, vous êtes malade et vous vous tuez les uns les autres, alors ne vous en attristez pas. Quand vous périrez tous et encore des centaines de mille comme vous, alors la science arrangera peut-être tout bien. Pour les hommes de la science le recensement a son intérêt particulier, pour nous il a aussi une importance particulière, tout autre. Pour la société, l’intérêt et l’importance du recensement sont en cela qu’il lui sert de miroir où volens nolens se regardent toute la société et chacun de nous.

Les chiffres et les conclusions seront ce miroir. On peut ne pas les lire, on peut se détourner du miroir, on peut regarder en passant dans les