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seulement le savoir, et ici ce but est le bien des hommes.

Pour étudier les taches du soleil on peut être seul, mais pour les recherches sur Moscou il faut deux mille hommes. Le but de l’étude des nébuleuses est seulement de savoir tout sur les nébuleuses, et le but des recherches sur les habitants est de déduire les lois de la sociologie, et, en se basant sur ces lois, d’établir mieux la vie des hommes. Pour ce qui est des nébuleuses, peu importe qu’on les étudie ou non, elles ont attendu et sont prêtes à attendre encore longtemps. Mais pour les habitants de Moscou, ce n’est pas tout à fait la même chose, surtout pour ces malheureux qui font le plus intéressant objet de la science sociologique.

Le recenseur vient dans l’hospice de nuit, dans le sous-sol il trouve un homme mourant de faim et l’interroge poliment : son nom, le nom de son père, sa position sociale, ses occupations, et après une courte hésitation : faut-il le marquer vivant sur la liste ? il l’inscrit et passe plus loin.

Ainsi font maintenant deux mille jeunes gens. Ce n’est pas bien.

La science fait sa besogne, la société représentée par deux mille jeunes gens appelés à prêter concours à la science, doit faire la sienne.

Le statisticien qui tire la conclusion des chiffres peut être indifférent pour les hommes, mais nous,