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Une des personnes présentes proposa de l’argent, en disant qu’elle ne se sentait pas le courage, vu sa sensibilité, d’aller chez les pauvres, mais qu’elle donnerait de l’argent ; combien donnerait-t-elle et quand, elle ne le dit pas. Une autre personne et un jeune homme me proposèrent leurs services pour aller chez les pauvres. Mais je n’acceptai pas leur offre. La principale personne à qui je m’adressai me dit qu’on ne pourrait faire beaucoup, parce qu’on avait peu de moyens, parce que les gens riches de Moscou étaient très limités et qu’on leur avait déjà demandé à tous tout ce qu’on pouvait demander ; qu’on avait déjà donné à tous ces bienfaiteurs des grades, des médailles et autres honneurs, que, pour la réussite matérielle, il fallait obtenir des autorités de nouveaux honneurs, que c’était le seul moyen efficace, mais qu’il était très difficile…

Ce jour-là, en rentrant chez moi, je me suis couché non seulement avec le pressentiment qu’il ne sortirait rien de mon idée, mais avec la honte et la conscience d’avoir fait, tout ce jour, quelque chose de très vilain, de honteux.

Mais je n’abandonnai pas mon œuvre : 1o elle était commencée et une fausse honte m’empêchait de reculer ; 2o non seulement le succès de cette affaire, mais le fait de m’en occuper, me donnait la possibilité de continuer à vivre comme je vivais, et l’insuccès me jetait dans la nécessité de renier