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nourriture, la boisson et l’habit, même plus nécessaires, mais ils deviennent tels, non parce que nous décidons que ce que nous appelons l’art et la science sont nécessaires, mais parce qu’en effet ils sont nécessaires aux hommes.

Si l’on préparait du foin pour nourrir les hommes, ma conviction que le foin est la nourriture des hommes ne ferait pas qu’en effet le foin devint la nourriture des hommes. Je ne puis donc dire : pourquoi les hommes ne mangent-ils pas le foin, qui est la nourriture nécessaire, mais il peut arriver que ce que je propose ne soit pas une nourriture.

C’est précisément ce qui est advenu de notre science et de notre art. Il nous semble, à nous, que si nous ajoutons à un mot grec le mot « logie » et l’appelons la science, alors ce sera la science, et que si nous appelons une vilaine chose quelconque, la peinture de femmes nues par exemple, d’un nom grec et disons que c’est l’art, alors ce sera l’art. Mais nous aurons beau le dire, la besogne que nous faisons en comptant les insectes et examinant la composition chimique de la voie lactée, en dessinant des naïades et des tableaux historiques, en composant des nouvelles et des symphonies, notre besogne ne deviendra ni la science ni l’art tant qu’elle ne sera pas admise volontairement par les hommes pour qui elle est faite. Et jusqu’ici elle n’est pas admise.