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qui ferais tout cela, et qu’après, nous tous les riches, serions tranquillement assis dans nos salons, mangerions des dîners de cinq plats, irions en voiture au théâtre et aux réunions sans être gênés par le spectacle que j’avais vu dans la maison de Liapine.

Ce plan fait, j’écrivis sur ce sujet, et avant de donner mon travail à l’imprimerie, je fus chez des connaissances de qui j’espérais de l’aide.

À tous ceux que je vis ce jour-là (je m’adressais spécialement aux gens riches), je dis la même chose, presqu’exactement ce que j’avais écrit dans l’article : je proposais de profiter du recensement pour connaître au juste la misère à Moscou et y remédier par les œuvres et l’argent, et faire de telle sorte qu’il n’y eût plus de pauvres à Moscou, et que nous, les riches, nous pussions, avec la conscience tranquille, jouir des biens de la vie auxquels nous étions habitués. Tous m’écoutaient attentivement, sérieusement, mais avec tous, sans exception, cela se passait de la même manière. Dès que mes auditeurs comprenaient de quoi il s’agissait, ils paraissaient gênés et un peu honteux, principalement pour moi, qui avais pu dire de telles bêtises, mais dont on ne pouvait dire carrément : ce sont des bêtises, comme s’il eût existé une cause extérieure, obligeant les auditeurs à approuver ma bêtise.

— Ah ! oui, sans doute, ce serait très bien, me