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peuple, et les produits de cet art se trouvent dans des palais et ne sont ni compréhensibles ni nécessaires au peuple.

Le musicien, pour exprimer ses grandes pensées, doit réunir près de deux cents personnes en cravates blanches et habits, et dépenser des centaines de mille roubles pour la mise en scène des Opéras. Et les œuvres de cet art, si même le peuple pouvait en profiter un jour, ne provoqueraient en lui que l’étonnement et l’ennui.

Les écrivains, les auteurs, n’ont pas besoin, semble-t-il, de si belles installations, d’ateliers, de modèles, d’orchestres, d’acteurs. Mais là aussi, il résulte que l’auteur, sans parler des commodités de l’installation, de toutes les joies de la vie, a besoin, pour préparer ses grandes œuvres, de voyages, de palais, de la jouissance des arts, des théâtres, des concerts, des villes d’eaux, etc. S’il ne gagne pas d’argent, on lui donne une pension pour qu’il compose encore mieux d’autres œuvres, et de nouveau ces œuvres que nous apprécions tant, restent lettre morte pour le peuple et lui sont tout à fait inutiles.

Que serait-ce, s’il y avait encore plus, comme le désirent les savants et les artistes, de ces fournisseurs de nourriture spirituelle, et s’il fallait construire, dans chaque village, un atelier, des orchestres, entretenir des écrivains dans les conditions que les hommes d’art jugent nécessaires pour eux ?