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vriers ; et moi, dira l’ouvrier, il m’est impossible de m’occuper de mes travaux non moins importants et nécessaires : labourer, nettoyer vos ordures, si je suis privé du guide religieux correspondant aux exigences de mon esprit et de ma conscience ; d’un gouvernement raisonnable qui garantisse mon travail ; des sciences qui le faciliteront ; des joies de l’art pour l’ennoblir. Tout ce que vous m’avez proposé jusqu’à présent, comme nourriture spirituelle, non seulement ne me plaît pas, mais je ne puis même comprendre en quoi c’est nécessaire ; et tant que je ne recevrai pas cette nourriture qui me convient, à moi et à tous les hommes, je ne puis pas vous donner la nourriture corporelle que je produis. Que répondrez-vous, si un ouvrier vous dit cela ?

Et s’il le disait, ce ne serait pas du tout une plaisanterie, mais la chose la plus simple, la plus juste. Un ouvrier qui dirait cela, aurait beaucoup plus de droit pour lui que le travailleur intellectuel. Il y aurait plus de raisons de son côté parce que le travail fourni par un ouvrier est plus urgent, plus nécessaire que celui d’un producteur intellectuel, et parce que rien n’empêche le travailleur intellectuel de donner à l’ouvrier la nourriture spirituelle qu’il lui a promise, tandis que l’ouvrier est empêché de donner la nourriture corporelle, par ce fait que lui-même en manque.

Que répondrons-nous, nous les travailleurs