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ne dit-il pas : avant que je vous serve la nourriture corporelle, il me faut de la nourriture spirituelle ; avant de la recevoir je ne puis travailler.

Vous dites : le travail d’un laboureur, d’un forgeron, d’un cordonnier, d’un charpentier, d’un paveur, d’un vidangeur etc., m’est nécessaire pour préparer la nourriture spirituelle ; chaque ouvrier doit dire aussi : avant que j’aille travailler pour préparer la nourriture corporelle, il me faut avoir les fruits de la nourriture spirituelle. Pour que j’aie les forces de travailler, il me faut : la doctrine religieuse, l’ordre de la vie sociale, l’application des sciences, les joies et les consolations que donnent les arts. Je n’ai pas le temps d’élaborer ma propre doctrine sur le sens de la vie, donnez-la moi… je n’ai pas le temps d’inventer les règles générales de la vie, telles que la justice ne soit pas violée ; donnez-les moi. Je n’ai pas le temps de m’occuper des sciences physiques, chimiques, techniques, donnez-moi les livres en m’indiquant comment il me faut améliorer mes outils, mes procédés de travail, mes habits, mon chauffage, mon éclairage. Je n’ai pas le temps de m’occuper moi-même de poésie, d’art plastique, de musique ; donnez-moi les excitants et les consolations nécessaires pour vivre ; donnez-moi des œuvres d’art.

Vous dites qu’il vous est impossible de vous occuper de vos travaux importants et nécessaires si vous êtes privés du travail que font pour vous les ou-