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cienne tromperie terrible des hommes de l’Église. Par une lutte effroyable, les hommes peu à peu s’en sont affranchis ; mais à peine cela fait, à la place de l’ancienne tromperie en a paru une nouvelle, philosophique, gouvernementale. Les hommes se sont aussi débarrassés d’elle. Mais voilà qu’une nouvelle tromperie, plus terrible encore se dresse sur la route des hommes : la tromperie scientifique.

Cette nouvelle tromperie est juste la même que les anciennes. Elle consiste essentiellement à remplacer l’activité de notre raison et de notre conscience et celle des hommes qui vivaient avant nous, par quelque chose d’extérieur : selon la doctrine de l’Église, ce quelque chose d’extérieur était la révélation ; dans la doctrine scientifique, c’est l’observation.

Le piège de cette science consiste en ceci : désignant aux hommes les écarts les plus grossiers de l’activité de la raison et de la conscience humaines, détruire la foi en elles, et, masquant la tromperie vêtue de la théorie scientifique, les convaincre qu’en étudiant les phénomènes extérieurs, ils étudient des faits indiscutables tels que les révélera la loi de la vie humaine. La dépravation intellectuelle consiste en ceci : en s’adaptant la croyance que les objets qui sont soumis à la conscience et à la raison sont sujets à l’observation, les hommes perdent la conscience du bien et du mal et