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étages supérieurs étaient destinés aux hommes : les étages inférieurs aux femmes. Je rentrai d’abord dans la section des femmes : une grande chambre toute garnie de planches semblables aux bancs de troisième classe des chemins de fer, et disposées en deux étages superposés. Des femmes étranges, déchirées, vêtues seulement d’une robe, des jeunes et des vieilles entraient et occupaient les places, les unes en bas les autres en haut. Quelques-unes, les vieilles, se signaient et priaient pour le donataire de cet asile ; d’autres criaient et s’invectivaient. J’allai en haut. Là se trouvaient les hommes. Parmi eux j’aperçus un de ceux à qui j’avais donné de l’argent. En le voyant, soudain, je me sentis honteux et me hâtai de partir. Et avec le sentiment d’avoir commis un crime, je sortis de cette maison et me rendis chez moi.

Chez moi je foulai le tapis de l’escalier, le parquet de l’antichambre était couvert de drap ; ayant ôté ma pelisse, je m’assis devant un diner de cinq plats servi par deux laquais en habit, cravate et gants blancs.

Il y a trente ans, à Paris, j’ai vu guillotiner un homme en présence de milliers de spectateurs. Je savais que cet homme était un malfaiteur dangereux, je connaissais tous les raisonnements que les hommes ont écrits pendant tant de siècles pour justifier les actes de cette nature. Je savais