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liers, les prêtres et le clergé. Cette justification comprend toujours deux propositions : 1o Nous prenons le travail du peuple parce que nous sommes des gens particuliers destinés par Dieu à gouverner le peuple et à lui apprendre les vérités divines ; 2o les gens du peuple ne peuvent pas être juges de la quantité du travail que nous leur prenons pour le bien que nous leur apportons parce que, comme disaient les Pharisiens :

« Mais cette populace qui n’entend point la loi est exécrable. »

(Jean, chapitre vii, v. 49.)

Le peuple ne comprend point en quoi consiste son bien, c’est pourquoi il ne peut être juge de ce qu’on lui fait d’utile.

La justification de notre temps, malgré sa différence apparente, se compose en réalité des deux mêmes propositions :

1o Nous, gens des classes intellectuelles, servons le progrès et la civilisation et, par suite, faisons au peuple le plus grand bien ;

2o Le peuple ignorant ne comprend pas l’utilité de ce que nous apportons, c’est pourquoi il n’en peut être juge.

Nous nous débarrassons du travail, nous jouissons du travail des autres, nous rendons pire encore la situation de nos frères et nous affirmons, qu’en revanche, nous leur sommes d’une grande utilité, dont ils ne peuvent juger par ignorance.