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de temps, des prairies ne sont pas fauchées, et aussi faute de temps et de bras, les foins peuvent subir une période de pluies, et la rapidité plus ou moins grande du travail tranche la question de savoir si, à la richesse des hommes s’ajouteront vingt ou plus pour cent de foin, ou si le foin pourrira et se perdra sur pied. S’il y a plus de foin il y aura aussi plus de viande pour les vieux et de lait pour les enfants. C’est ainsi en général, et en particulier, pour chacun des faucheurs, ici se décide la question du pain, du lait pour lui et ses enfants durant l’hiver. Chaque ouvrier le sait, même les enfants savent que c’est une affaire importante, qu’il faut travailler de toutes ses forces, porter la cruche de kvass au père, dans les prés, et en passant d’une main à l’autre la lourde cruche, faire en courant le plus vite possible, pieds nus, deux verstes au delà du village afin d’arriver à temps et n’être pas grondé par le père. Chacun sait que du fauchage à la récolte, le travail ne cessera pas, qu’on n’aura pas le temps de se reposer. Et il n’y a pas que le fauchage.

Outre cela, chacun a encore beaucoup à faire : il faut labourer la terre, herser ; les femmes doivent tisser la toile, faire le pain, laver le linge ; les paysans doivent aller au moulin, et en ville s’occuper des affaires du mir, aller chez le juge et à la police, soigner les chevaux, au pacage, pendant la nuit, et tous, vieux, jeunes, même les malades, y mettent leurs dernières forces. Les paysans travaillent tant