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Quelle sera la différence si je porte la même chemise une semaine au lieu d’un jour, et si je fais des cigarettes moi-même, ou si je ne fume pas du tout ? Cette différence sera en ceci : qu’une blanchisseuse et une cigarière dépenseront moins de forces ; et je puis donner ce que je donne pour le lavage et la fabrication des cigarettes à cette blanchisseuse ou même à toutes les autres blanchisseuses ou ouvrières qui sont fatiguées par le travail, et qui, au lieu de travailler au-dessus de leurs forces, pourront se reposer et prendre du thé. Mais j’ai entendu à cela des objections : (les riches, les gens luxueux ont si grande honte de comprendre leur situation !) On objecte : « Si je porte du linge sale, si je ne fume pas et si je donne cet argent aux pauvres, alors on prendra quand même tout aux pauvres, et votre goutte dans la mer ne changera rien ».

Répondre à cette objection fait encore plus de honte. Mais il faut y répondre.

C’est une objection si habituelle, et la réponse est si simple !

Je viens chez les sauvages, ils me régalent de côtelettes que je trouve très bonnes ; le lendemain j’apprends (je vois peut-être de mes yeux) que ces excellentes côtelettes sont faites de la chair d’un homme captif qu’on a tué pour les préparer. Or si je ne trouve pas bien de manger des hommes, malgré tout le bon goût des côtelettes, malgré toute