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vrirent d’un miroir glacé, la blanchisseuse eut froid et devint triste. Elle se leva et se traîna… Où ? À la maison, à cette maison où elle avait vécu les derniers temps. Pendant qu’elle marchait en se reposant sur la route, la nuit vint, elle s’approcha de la porte cochère, s’y engagea, glissa, cria oh ! et tomba.

Un homme passe, puis un autre : « C’est probablement une femme ivre. » Un monsieur passe, il trébuche contre la blanchisseuse et dit au portier : « Une femme ivre de chez vous, ici, dans la porte : j’ai failli me casser la tête à cause d’elle. Ramassez-la, hein ? » Le portier s’approche… la blanchisseuse était morte.

Voilà ce que me raconta mon ami. On pourrait penser que j’ai rapproché exprès ma rencontre avec une prostituée de quinze ans et l’histoire de la blanchisseuse ; mais qu’on ne le pense pas. Ces faits se passèrent vraiment ainsi, une nuit, à Moscou, je ne me rappelle pas la date exacte, c’était en mars 1884.

Après avoir écouté le récit de mon ami, j’allai au poste, me proposant de me rendre ensuite à la maison Rjanov, afin d’apprendre avec plus de détails l’histoire de cette blanchisseuse. Le temps était beau, ensoleillé. De nouveau, entre les étoiles de glace de la nuit, à l’ombre, l’eau commençait à couler et, du côté du soleil, sur la place Khamovnitcheskï, toute dégelée, l’eau courait en tous sens.