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d’un vêtement et ne pas avoir d’argent ; c’est-à-dire ne pas jouir du travail des autres, et c’est pourquoi, avant tout, faire de ses propres mains tout ce qu’on peut faire.

C’est si simple et si clair. Mais c’est simple et clair quand les besoins sont simples et clairs, quand on est encore frais et pas gâté jusqu’aux moelles par la paresse et l’oisiveté. Je vis à la campagne, je passe des journées à la maison sans rien faire et j’ordonne à un voisin, mon débiteur, de couper le bois et de chauffer le poêle. Il est clair que je suis paresseux, que j’arrache mon voisin de sa besogne et j’en aurai honte ; et puis c’est ennuyeux d’être toujours couché, et si mes muscles sont forts, si je suis habitué à travailler, j’irai moi-même couper le bois. Mais la séduction de l’esclavage sous toutes les formes existe depuis si longtemps, tant de besoins artificiels ont paru autour de lui, tant de gens sont liés par divers degrés d’habitude à ces besoins, les hommes sont si gâtés, si amollis depuis des générations, ils ont inventé une telle séduction compliquée et une telle justification du luxe et de l’oisiveté que pour celui qui se trouve en haut de l’échelle des hommes oisifs, il est moins facile de comprendre son péché qu’au paysan qui force son voisin à chauffer le poêle.

Il est excessivement difficile aux hommes qui se trouvent à l’échelon supérieur de comprendre ce qu’ils devraient faire. La tête leur tourne à cause