Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant : s’il y a un homme oisif, il y en a un qui meurt de faim.

J’étais amené à cette conclusion simple, naturelle : si je plains le cheval harassé que je monte, la première chose que j’aie à faire, si je le plains sincèrement, c’est de descendre et d’aller à pied.

Cette conclusion qui satisfaisait pleinement au sentiment moral me crevait les yeux, comme à tout le monde, et nous ne la voyons pas, parce que nous détournons nos regards.

Quand nous cherchons à guérir les maux sociaux, nous cherchons de tous côtés : dans les superstitions gouvernementales, antigouvernementales, scientifiques et philosophiques, et nous ne voyons pas ce qui crève les yeux de chacun.

Nous faisons nos ordures dans la chambre et nous voulons que les autres les emportent et nous feignons de souffrir pour eux ; nous voulons faciliter leur sort, et nous inventons le plus de ruses possibles, sauf une seule, la plus simple : emporter soi-même ses ordures, si l’on veut satisfaire ses besoins dans la chambre au lieu d’aller dans la cour.

Pour celui qui souffre sincèrement de la misère des hommes qui l’entourent, il y a un remède radical, simple et facile, le seul qui puisse guérir les maux qui nous entourent et donne conscience de l’illégitimité de notre vie. C’est le remède donné par Jean-Baptiste à la question : Que devons-nous faire ? et que confirma Christ : Ne pas avoir plus