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déjà de l’amour du prochain, inné en lui, est appelé, par sa raison et sa nature même, à servir les autres hommes et l’humanité en général. J’ai compris que cette loi naturelle de l’homme est la seule par quoi il peut remplir sa destinée, et par cela, être heureux. J’ai compris que cette loi est violée et se viole parce que les hommes, par la violence, comme les abeilles spoliatrices, s’affranchissent du travail, jouissent de celui des autres, et, dirigeant ce travail non vers le but général, mais vers la satisfaction personnelle de passions croissantes (la luxure), et comme les abeilles spoliatrices, périssent par ce fait. J’ai compris que les divers malheurs des hommes proviennent de l’esclavage dans lequel les uns tiennent les autres. J’ai compris que l’esclavage de notre temps se pratique au moyen de la violence du service militaire, de l’accaparement de la terre, de la prise de l’argent. Après avoir compris la signification de ces trois armes du nouvel esclavage, je ne pouvais que désirer de n’y plus participer.

Quand j’étais propriétaire d’esclaves, et que j’eus compris l’immoralité de cette situation, alors avec les autres personnes ayant compris la même chose, je tâchai de me débarrasser de cette situation.

Mon affranchissement consistait à réduire au minimum ce que je considérais comme immoral et, puisque je ne pouvais tout-à-fait me débarrasser de cette situation, à user le moins possible