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nante : les hommes sont privés de tous leurs biens et de leur liberté au nom de la liberté même et de l’intérêt général. Et, en réalité, c’est toujours le même esclavage, seulement il est impersonnel.

Là où existe la violence transformée en loi, là subsiste aussi l’esclavage. La violence revêtira plusieurs aspects : ou bien les princes viendront avec leurs hordes, massacrer les femmes et les enfants, incendier les villages, ou bien les propriétaires d’esclaves prendront pour la terre le travail ou l’argent des esclaves et, au cas de refus de paiement, appelleront à leur aide des gens armés ; ou bien les uns imposeront aux autres des tributs et marcheront armés à travers les villages : ou bien le ministère de l’Intérieur percevra de l’argent par l’entremise des gouverneurs et de la police et, s’il y a refus de payer, il enverra des troupes ; en un mot, tant que la violence sera soutenue par les baïonnettes, les richesses ne seront point réparties entre les hommes, mais elles resteront à ceux qui pratiquent la violence.

Ce qui prouve, d’une façon remarquable, la vérité de cette proposition, c’est le projet de George sur la nationalisation de la terre. George propose de transformer toute la terre en propriété nationale et de remplacer tous les impôts directs et indirects par la rente foncière, c’est-à-dire que quiconque a la jouissance de la terre payera à l’État la valeur de sa rente.