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aussi loin que je puisse aller, pour que j’aie le droit de labourer un petit champ, on m’oblige à payer de l’argent que je n’ai pas à des hommes qui ne savent pas labourer et qui exigent, pour me laisser labourer moi-même, tant d’argent que je dois leur donner tout mon travail. Malgré tout, je gagne quelque chose et je veux donner à mes enfants tout mon superflu. Mais la police arrive chez moi, et me prend ce superflu comme impôt. Je gagne de nouveau et de nouveau on me prend tout. Toute mon activité économique, tout sans exception est soumis au gré des exigences de l’État, et j’en viens à croire que mon sort et celui de mes frères ne peut changer qu’en nous affranchissant des exigences de l’État. Mais la science intervient et dit : Vos raisonnements sont dictés par votre ignorance. Étudiez les lois de la production, de l’échange et de la distribution des richesses et ne confondez pas les questions économiques avec celles de l’État. Les faits que vous désignez ne sont pas des entraves à votre liberté, mais des sacrifices nécessaires que vous et les autres vous faites au profit de votre liberté et pour votre bien.

Mais on m’a pris mon fils et on menace de prendre tous mes fils dès qu’ils seront grands — dit encore l’homme simple. On l’a pris par force, on l’a envoyé se battre dans un pays dont nous n’avons jamais entendu parler, et pour un but que nous ne pouvons comprendre. Mais la terre qu’on