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leurs bras, par un travail très dur, ils gagnaient de quarante à quarante-cinq kopeks par jour ; sur ce salaire, chacun d’eux faisait des économies : celui de Kalouga, pour acheter une pelisse, celui de Vladimir, pour partir à la campagne. C’est pourquoi je m’intéressais particulièrement aux hommes semblables que je rencontrais dans la rue…

Pourquoi ceux-ci travaillent-ils ? Pourquoi les autres mendient-ils ?

En rencontrant de tels paysans, je me demandais ordinairement, comment ils en étaient arrivés là. Un jour je rencontrai un paysan, vigoureux, avec quelques poils gris dans la barbe. Il me demanda l’aumône. Je l’interrogeai : qui était-il, d’où venait-il ? Il me répondit qu’il était venu de Kalouga pour travailler. Au commencement, il trouva du travail : scier du bois. Avec un camarade ils achevèrent toute la besogne d’un patron. Après, ils cherchèrent d’autre travail et n’en trouvèrent pas. Son camarade partit, et lui, chercha ainsi depuis deux semaines. Il a mangé tout ce qu’il avait. Il n’a pas d’argent. Il ne peut acheter ni scie, ni hache. Je lui donnai de l’argent pour acheter une scie et lui désignai l’endroit où il pourrait venir travailler. J’avais parlé d’avance à Pierre et à Siméon pour qu’ils acceptassent le camarade et lui cherchassent un compagnon.

— N’oublie pas, viens. Là-bas, il y a beaucoup d’ouvrage.