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non pour l’échange, non pour établir la mesure des valeurs, il les établit lui-même, mais seulement pour la commodité de la violence qui consiste en ce que l’argent se garde aisément et qu’avec l’argent il est facile de tenir asservis le plus grand nombre d’hommes. Prendre tout le bétail pour avoir toujours sous la main des chevaux, des vaches, des brebis, ce n’est pas commode parce qu’il faut les nourrir ; de même pour le blé, il peut se gâter ; de même pour le travail, pour la corvée : parfois mille ouvriers sont nécessaires, parfois il n’en faut pas un seul. L’argent exigé de celui qui n’en a pas donne la possibilité au spoliateur de se débarrasser de toutes ces incommodités et d’avoir toujours tout ce qui lui plaît, et il ne lui est nécessaire que pour cela. L’argent est encore nécessaire aux violateurs pour que leur droit de jouir du travail d’un autre ne se borne pas à certaines gens, mais s’étende à tous ceux qui ont besoin d’argent. Quand il n’y avait pas d’argent, un propriétaire ne pouvait profiter que du travail de ses serfs, et quand deux propriétaires s’entendaient pour leur prendre de l’argent qu’ils ne possédaient pas, tous deux commençaient à jouir indifféremment des forces disponibles dans les deux domaines.

C’est pourquoi les spoliateurs trouvent plus commode de transformer en argent tout ce qu’ils exigent du travail d’autrui, et l’argent ne leur