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reçoit aussitôt la signification prépondérante d’un moyen de violence, et il ne garde la signification de moyen d’échange pour les opprimés qu’autant qu’il est avantageux pour les spoliateurs. Imaginons-nous les choses en petit. Des serfs présentent à leur maître de la toile, des poulets, des moutons et le travail quotidien. Le propriétaire remplace le tribut en nature par l’argent et fixe le prix des divers objets donnés en tribut. Celui qui n’a pas de toile, pas de pain, pas de bétail, pas de mains ouvrières peut apporter une certaine quantité d’argent. Évidemment dans la société des paysans de ce propriétaire, la valeur des objets dépendra toujours du bon gré du propriétaire. Le propriétaire emploie les objets recueillis ; les uns lui sont plus nécessaires, d’autres le lui sont moins, et d’après cela, il évalue ces objets à des prix différents. C’est évidemment le bon plaisir ou le besoin du propriétaire qui fixe le prix des objets pour les tributaires. Si le propriétaire a besoin de pain, il fixe un prix élevé pour le droit de ne pas apporter une certaine quantité de pain et un prix minime pour le droit de ne pas apporter de toile, de bétail, de ne pas donner de main-d’œuvre. Il en résulte que ceux qui n’ont pas de pain vendent aux autres leur travail, la toile et le bétail pour acheter du pain et le donner au propriétaire. Si le propriétaire voulait transformer le tribut en argent, de nouveau le prix des objets ne dépendrait pas de la